La mode est aujourd'hui à la théologisation des gouvernances ; la politique du quotidien participe de l'accomplissement d'un destin qui fait couvercle à toute géostratégie. S'il est besoin d'une carricature d'illustration, on choisira celle de Donald Trump. A partir de là, il n'y a plus débat ni contradiction, il n'y a que la Ligne imposée par... le Ciel.
C'est en ce sens que la démocratie libérale a perdu la guerre de civilisation. Celles qui fonctionnent encore sur le mode contradictoire ont versé dans la pensée unique et refusent la confrontation d'idées, la tendance étant même à la sacralisation des éléments de la doxa imposée. L'exemple-type est l'instrumentalisation de la shoah.
Ainsi, les Etats-Unis ont renoué avec le messianisme originel à coup de droits de douane et de bombes ; la Fédération de Russie profite de l'incarnation du lieutenant béni de Dieu sur terre pour continuer sa marche au couchant ; la Chine populaire édite son catéchisme Xi imposé à sa jeunesse qui s'est trouvée un destin sur le temps long ; seuls les empires de grand désordre n'ont pas encore succombé à la théologisation de leur gouvernement, comme l'Inde ou le Brésil.
On peut creuser la question en cliquant ici.
Cette connexion nouvelle entre un Destin et une nation ne l'est pas pour un royaliste. Il a toujours fait le lien car c'est la fréquence porteuse de sa foi royaliste. Le roi est en mission pour Dieu. Mais parfois le royaliste abuse de ce lien. C'est le cas du providentialisme que certains légitimistes qualifient de poison parce qu'il coupe l'élan au militant de base, en remettant tout entre les mains de Dieu. Qu'est-ce à la fin ?
Le providentialisme est une inclination humaine, un penchant, qui prête aux événements une cause céleste. Mais aussi à diviniser un projet de physique sociale. Dans le premier cas, on idéologise le monde avec l'espoir d'une interaction, dans le second, on entre en action sur une base établie et sûre.
Le plus grand défi soulevé par le providentialisme est psychologique, ou pour le dire moins brutalement, le sens unique, parce que la puissance céleste invoquée est par convention, muette, sinon extrêmement discrète et jalouse de ses relais.
Le providentialiste construit à l'intérieur de son propre univers mental les éléments d'une conversation entre lui et l'au-delà. Nourrir cette conversation convoque une imagination débordante jusqu'à des subterfuges dont on tordra la signification dans tous les sens pour obtenir la confirmation de son intuition de départ. Ainsi en est-il des dires et délires des voyantes qui fabriquent leur proximité avec Dieu ou avec la Vierge Marie à tout motif dont celui d'une reconnaissance sociale prime.
L'intensité des révélations privées est augmentée de celle du besoin de confirmation de la thèse induite. La mécanique millénariste finit parfois dans une construction imposante comme celle du retour d'un roi caché ou le déclenchement imminent d'un Armageddon.
Ce penchant se détecte par divers symptômes mais le plus sûr est celui du messager. Celui-ci prêtera à la Providence les mots utiles à son combat, presque comme un ventriloque.
Prenons l'exemple du retour du roi.
On peut légitimement arguer que la Providence ait parmi tous ses projets, celui du retour d'une monarchie de son obédience pour gouverner une nation en voie de désintégration, qui lui serait chère. A quel motif celle-ci plutôt que celle-là est une autre question. Mais le messager a déjà levé le doute !
Comment déceler les voies et moyens de Son projet ? C'est impossible.
Supposer que le projet concerne telle ou telle personne en particulier, choisie sur des critères purement humains (mortels), confine à la supercherie. Mais à force de labourer ce même sillon, la supposition de départ s'estompe pour laisser vivre une quasi-certitude. Il ne s'agira plus que de l'étayer de toutes révélations supplémentaires nécessaires à son triomphe. Cette dérive cumulative est celle de la Charte de Fontevrault qui est partie du Notre-Père remettant le destin de l'homme entre les mains de Dieu, pour aboutir à l'accomplissement de la saga du Grand Monarque, une légende aussi vieille que l'espèce humaine et dont les héros peuplent les romans depuis l'aube du monde. En y appliquant les atours de la politique théologique, on pare le concept de tous les codes élevant l'histoire au-dessus du commun. On porte par des prières le but à atteindre dont nul ne doute qu'elles soient entendues ; le retard de réponses participe de l'impénétrabilité des voies du Seigneur. Des esprits faibles peuvent être impressionnés.
Le dernier point que soulève le providentialisme est l'outrecuidance de la Conversation. Comment en arrive-t-on à discuter le bout de gras avec Dieu jusqu'à Lui indiquer l'impétrant choisi sur les critères propres au solliciteur ? Ce siècle destructeur n'épargne pas la distance prudente que doit observer tout mortel pris dans un échange avec les dieux. Toute proximité est vanité, toute vanité est injure. Des fois, on le paye !
Pour finir, on peut raisonnablement penser que la Providence ait le projet de restaurer une monarchie théocratique, tout autant que le contraire.
On peut raisonnablement penser que la Providence choisisse de repartir de la dernière race ayant régné, tout autant que le contraire.
On peut raisonnablement penser que la Providence favorise la rechristianisation du pays pour y rétablir une dynastie à Sa main, tout autant que son contraire, parce qu'Elle n'a pas besoin de nous pour s'accomplir.
Croire en la Providence appelle beaucoup d'humilité à sa contemplation. Prétendre agir de concert avec Elle, c'est déjà se mentir à soi-même au moment. Persévérer signale quelque chose de plus grave. En conclusion, la perception du phénomène providentialiste chez Royal-Artillerie recommande de s'en tenir aux supplications du Notre-Père au profit du croyant en son salut, et de se décharger de tout le fatras prophétique que l'Eglise elle-même ignore.
Quelqu'un n'a-t-il pas dit que Dieu rit ?
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9 comments:
Saut Cato.
Vaste sujet que la conversation de l'homme avec sa créature mentale indispensable à toute eschatologie. On se plaît parfois d'être un athée tranquille, désencombré du "fatras prophétique", et soumis avec sérénité à la loi naturelle et à ses valeurs cardinales, universelles dans l'espace et le temps.
(Jim)
PS : sur le sujet, Alain Brossat a fait très fort. Merci.
Merci Jim de t'intéresser à ce blogue. Trancher de savoir qui a créé qui est une vieille dispute qui a du sens. Quand on voit l'accumulation des malheurs sur ce monde, on peut douter de la compassion céleste à l'endroit de peuples innocents broyés par la méchanceté humaine.
Comme tu le suggères les Providentialistes ont créé la transcendance qui leur convient et ce n'est pas blâmable. Aucune ne l'est d'ailleurs, à commencer par la Pachamama du pape François.
Mon petit article est orienté sur la crédibilité de leur démarche plus que sur son efficacité qui est très modeste. Mais ontologiquement on ne peut pas leur donner tort. Finalement ce texte ne sert à rien ou presque.
A plus, sans faute.
Pas de problème, je me suis abonné.
(Jim)
Comment ne pas partager votre analyse de la "théologisation des gouvernances" et, en particulier, du mouvement de pensée providentialiste?
Le blogue de la Charte de Fontevrault est en train de sombrer sous le poids de ses conversations avec l'au-delà que le nouveau Gouverneur conseille pourtant de développer par l'intermédiaire des "apparitions et prophéties" à cultiver en famille, dans son compte-rendu du dernier Chapitre de la Charte (https://charte-fontevrault-providentialisme.fr/index.php/2025/09/01/du-gouverneur-alain-guillon-compte-rendu-du-chapitre-de-la-charte-du-25-08-25/). Vous y observerez également qu'une cabine téléphonique d'antan deviendra bientôt trop grande pour l'accueillir (9 participants cette année !) et que le malheureux Président-Fondateur est mis sous curatelle d'une secrétaire personnelle du fait de ses absences mentales...). Allez, pensons à autre chose et, tiens, pourquoi pas au point où nous en sommes aux prochaines aventures de François Bayrou ?
Ils se sont mis en porte-à-faux avec leurs histoires de grand monarque voulant enfermer la Providence dans les délires de La Franquerie.
Ils devraient reconstruire quasiment ex-nihilo, sauf à peut-être sauver la supplique à Pontmain.
Le problème avec les royalistes est leur défaut d'innovation, de créativité. Ils ne savent que retraduire le passé.
Ici le besoin de faire du neuf est pourtant urgent.
Il est temps pour la Charte de Fontevraud d'organiser le vide-grenier de ses mythes mystificateurs. Reconstruire cette petite secte royaliste sans le vice de forme de la Providence influençable appelle des talents particuliers inconnus jusqu'ici. Comme aurait dit Salvador Dali : c'est dranscendantalh !
Le vice de forme, c'est la familiarité dans la Conversation. A la limite, in gros péché d'orgueil.
La transcendance est un concept écrasant. Les chartistes devraient réétudier l'ancien testament pour comprendre le poids de la prise directe. Il ne faut pas jouer avec le Ciel, ni avec la sorcellerie des manifestations inexplicables. Encore moins construire des romans pour l'apprivoiser.
Qui s'est posé la question de la piété soudaine des rois en fin de vie ? Ils ployaient tous sous le poids de la transcendance imposée.
Effectivement, la transcendance imposée doit être bien lourde à porter. Le silence désormais acquis du Président-Fondateur en est le plus récent avatar.
Dans son discours visant à exalter la divinité du Fils, Grégoire de Naziance cite "le Verbe de Dieu lui-même, celui qui est antérieur aux siècles, l’invisible, l’insaisissable, l’incorporel, celui qui est le Principe issu du Principe, la lumière née de la lumière, la source de la vie et de l’immortalité, l’empreinte du Modèle, le sceau immuable, l’image exacte, la définition et l’explication du Père".
Quel mortel peut s'exposer sans dommage à la lumière de la Lumière sans être carbonisé ?
Mais la mode est au tutoiement !
C.
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